1. La chromatographie en phase liquide
La chromatographie permet la séparation ou la purification d’un ou de plusieurs composés d’un mélange en vue de leur identification et de leur quantification.
La chromatographie en phase liquide a permis de réaliser des analyses qui n’étaient auparavant pas possible avec les techniques sur couche mince ou en phase gazeuse.
A l’origine la chromatographie en phase liquide se faisait sur des colonnes en verre. Le liquide traversait la phase stationnaire par gravité ou sous faible pression. Puis pour augmenter le débit, des manipulations ont été réalisées sous pression plus forte. C’est ce que l’on a appelér la chromatographie liquide sous haute pression (HPLC). Très rapidement le P de pression est devenu le P de performance lorsque l’on a optimisé la technique (diminution de la taille de particules de la phase stationnaire, régularité de cette phase…).
Principe :
Les composés à séparer (solutés) sont mis en solution dans un solvant. Ce mélange est introduit dans la phase mobile liquide (éluant). Suivant la nature des molécules, elles interagissent plus ou moins avec la phase stationnaire dans un tube appelé colonne chromatographique.
La phase mobile poussée par une pompe sous haute pression, parcourt le système chromatographique.
Le mélange à analyser est injecté puis transporté au travers du système chromatographique. Les composés en solution se répartissent alors suivant leur affinité entre la phase mobile et la phase stationnaire.
En sortie de colonne grâce à un détecteur approprié les différents solutés sont caractérisés par un pic. L’ensemble des pics enregistrés est appelé chromatogramme.
2. Notions fondamentales
La phase stationnaire est un support plus ou moins poreux recouvert d’un gel (liquide greffé) qui a les propriétés désirées pour retenir les molécules de solutés.
La phase mobile ou éluant est un liquide qui entraîne les solutés à travers la colonne.
2.1. Notion de temps
- t0 est le temps du début de l’injection
- Le temps mort tm est le temps mis par un composé non retenu par la phase stationnaire pour traverser la colonne (temps passé dans la phase mobile)
- Le temps de rétention tr est le temps mis par un soluté pour traverser la colonne. C’est le temps passé dans la phase stationnaire et dans le volume mort de la colonne. Ce temps est caractéristique d’un soluté dans des conditions d’analyse donnée. La surface du pic est fonction de la quantité du constituant dont il est la trace.
- Le temps de rétention réduit t’r est le temps passé par un soluté dans la phase stationnaire, soit :
2.2. Notion de concentration
- Le coefficient de partage K :
A un instant donné, le soluté est à la concentration Cm dans la phase mobile et Cs dans la phase stationnaire. Leur rapport à l’équilibre est appelé coefficient de partage K
Ce coefficient est fonction de 3 types d’affinités :
celle entre le soluté et la phase mobile
celle entre le soluté et la phase stationnaire
celle entre les phases mobile et stationnaire
- Le facteur de capacité K’ est le rapport de la quantité d’un soluté dans la phase stationnaire et dans la phase mobile.
Vs : volume de la phase stationnaire
Vm : volume de la phase mobile ou volume mort
K’ est aussi le rapport du temps passé par un soluté dans la phase stationnaire sur le temps passé par ce même soluté dans la phase mobile.
2.3. Notion d’efficacité
La largeur d’un pic est caractéristique de l’efficacité de la séparation : plus le pic est fin plus la chromatographie est efficace. L’efficacité est mesurée par :
- le nombre de plateaux théoriques Nth
tr : temps de rétention
w 1/2 : largeur du pic à mi-hauteur
Remarque :
Nth est très utilisé en HPLC. Pourtant il serait plus judicieux d’utiliser Neff (nombre de plateaux effectifs) puisqu’il dépend vraiment du temps passé dans la phase stationnaire.
Expérimentalement tm est difficile à déterminer d’ou l’utilisation de Nth.
- La hauteur équivalente à un plateau théorique : HEPT, qui est définit comme :
L : Longueur de la colonne
Nth : Nombre de plateaux théoriques
Quels sont les facteurs d’élargissement des pics ?
La diffusion turbulente : l’élargissement est expliqué par le fait qu’il existe différents chemins parcourus par les molécules d’un soluté. La longueur des chemins n’étant pas la même, elles ne mettent pas toutes lemême temps pour traverser la colonne : le pic s’élargit. Ce phénomène est fonction des particules et de la régularité du remplissage.
La résistance au transfert de masse : l’élargissement est expliqué par l’accumulation de phase mobile dans les infractuosités du support. Les molécules qui y diffusent vont moins vite que celle qui n’y diffusent pas.
La diffusion longitudinale. Ce phénomène diminue plus la vitesse de la phase mobile augmente. Dans la pratique cette diffusion est négligeable en HPLC.
En conclusion l’efficacité calculée d’une chromatographie, représentée par la HEPT, est fonction de la vitesse de la phase mobile donc du débit, et de la qualité (régularité, remplissage) de la phase stationnaire.
2.4. Qualité de la séparation
- La sélectivité (a)
Elle est définit comme le rapport des temps de rétention réduits
a est toujours > 1 car on choisit t’rB > t’rA
- La résolution (R)
Elle quantifie la qualité de la séparation en caractérisant le fait qu’il y ait ou non chevauchement de 2 pics contigus.
R < 1 : mauvaise résolution
1 < R < 1,4 : résolution acceptable
1,4 < R < 1,6 : résolution optimale
R > 1,6 : résolution trop bonne car le temps d’analyse est rallongé
Remarques :
Si les pics sont gaussiens w0 = 1,7 w 1/2
Il est parfois utile d’exprimer cette résolution en fonction de la sélectivité et de l’efficacité du dernier des 2 pics étudiés
2.5. Notion de pression
A l’intérieur d’une colonne la phase mobile frotte sur les parois de la colonne mais aussi sur les particules de phase stationnaire. Ces frottements définissent la résistance à l’écoulement.
Les particules de phase stationnaire sont sphériques. Si l’on divise leur diamètre par 10, on diminue leur surface d’un facteur 100 et leur volume d’un facteur 1000. On peut donc placer dans la colonne 1000 fois plus de particules et donc augmenter de 10 fois la surface en contact avec la phase mobile. La résistance à l’écoulement est donc augmentée.
En conséquence, pour maintenir le débit constant dans la colonne il faut augmenter la pression plus la granulométrie de la phase stationnaire est faible.
En HPLC on travaille, en tête de colonne, à des pressions entre 20 et 150 bars.
3. Les différents modes de séparation
Il existe différents modes de séparation en chromatographie en phase liquide :
- l’adsorption
- le partage (80% des séparations)
- l’ échange d’ions
- l’exclusion
Les trois premiers types utilisent la polarité des solutés pour les séparer.
4. Polarité et chromatographie
4.1 Polarité d’une molécule
La polarité d’une molécule est une notion intrinsèque. Certaines molécules étant dissymétriques, les électrons ne sont pas uniformément répartis autour d’elles. De ce fait il existe un moment dipolaire permanent qui crée un champ électrique local. Ces molécules sont dites polaires.
4.2. Interactions entre molécules
Dans la nature, les molécules ne sont pas isolées. Entre elles il existe différents types d’interactions :
- les interactions diélectriques ou ioniques
- les liaisons « hydrogène »
- les forces de Van Der Waals
4.3. Notion de polarisabilité
Sur certaines molécules isolées qui ne possèdent pas de moment dipolaire permanent, un champ électrique peut créer un champ dipolaire induit, en déformant les orbites électroniques ou en modifiant la position relative des atomes. Ces molécules sont dites polarisables.
4.4. Application à la chromatographie
Il existe des échelles de polarité, mais de manière on utilise la notion de polarité comme une donnée comparative entre molécules. On dit que tel composé est plus polaire ou moins polaire qu’un autre. De même on dit que la phase mobile et la phase stationnaire sont polaires, peu polaires ou apolaires.
Pour qu’il y ait séparation chromatographique de composés, il faut que leurs molécules interagissent de manières différentes avec au moins une des phases (stationnaire et mobile). Ces phases doivent avoir des polarités différentes.
On peut appliquer la règle « qui se ressemble s’assemble » à l’ensemble soluté - phase stationnaire.
- Si la phase stationnaire est polaire, les composés polaires seront plus retenus que les composés non polaires.
- Si la phase stationnaire est apolaire, les composés apolaires seront plus retenus que les composés polaires.
Polarité de phase
A l’origine, les colonnes étaient remplies de silice (phase stationnaire polaire). Elle doit sa polarité aux groupements silanols Si-OH qui sont polaires. Pour que la séparation soit efficace, la phase mobile doit alors être peu polaire. L’ensemble « phase stationnaire polaire et phase mobile peu polaire » forme la chromatographie à polarité de phase normale.
Par la suite, les particules de silice (support) ont été enrobées de paraffine en C 18 pour faire une phase apolaire. Dans ce cas, pour que la séparation soit efficace, la phase mobile est polaire (généralement à base d’eau). L’ensemble « phase stationnaire apolaire et phase mobile polaire » forme la chromatographie à polarité de phase inversée.
Aujourd’hui, les phases stationnaires sont greffées chimiquement pour la plupart sur de la silice sphérique et calibrée.
Composition de la phase mobile
Dans la pratique, chaque séparation nécessite une polarité de la phase mobile qui lui est propre. Chaque solvant ayant une polarité donnée, on ajuste la polarité globale de la phase mobile en mélangeant plusieurs solvants miscibles. A cette composition de phase mobile correspond une force éluante qui caractérise le pouvoir d’entraîner les solutés.
Il faut ajuster la force éluante en fonction des solutés à séparer. Pour cela, on peut utiliser un solvant pur ou un mélange de solvants : on dit travailler en mode isocratique.
Dans certains cas il est utile de faire varier la force éluante au cours de l’analyse. Si le mélange de différents solvants varie au cours de la séparation, on réalise alors un gradient d’élution, car la meilleure force éluante pour le début de l’analyse n’est pas forcément adaptée pour une bonne séparation des solutés sortant en fin de chromatogramme.
Ces 2 modes sont utilisés pour des analyses en chromatographie à polarité de phase normale ou inversée.
5. Appareillage
La phase mobile est pompée à partir d’une bouteille et parcourt en permanence le chromatographe : l’injecteur, la colonne dans le four et le détecteur. La température du four est maintenue constante.
Le signal du détecteur est amplifié et enregistré.
5.1. Réservoir de la phase mobile (solvant)
Le plus souvent ce réservoir est une bouteille en verre dans lequel plonge un tube avec une extrémité filtrante en téflon. S’il est nécessaire le dégazage peut se faire par agitation puis conservation du solvant sous atmosphère d’hélium.
5.2. Pompe
Elle délivre en continu la phase mobile. Elle est définit par la pression qu’elle permet d’atteindre dans la colonne, son débit, et la stabilité du flux. Actuellement les paramètres d’une pompe sont
* débit : 0,01 à 10 mL/min
* stabilité < 1% (<0,2% pour des chromatographies d’exclusion diffusion)
* pression maximale > 350 bars
Certaines sont pilotées par informatique (bien utile lors de l’utilisation de gradient d’élution).
5.3. Injecteur
Le type d’injecteur le plus couramment utilisé comporte une vanne à boucle d’échantillonnage d’une capacité fixe (10, 20, 50 µL…). Cette boucle permet d’introduire l’échantillon sans modifier la pression dans la colonne.
Vanne à boucle d’échantillonnage
Elle possède 2 positions. La première permet le remplissage de la boucle d’injection de volume fixe (load), la seconde permet la mise en circulation de l’échantillon dans le système chromatographique (inject).
Le remplissage de la boucle d’injection se fait à l’aide d’une seringue.
5.4. Colonne
En mode analytique, les colonnes en inox ont généralement un diamètre interne de 4,6mm. La longueur est de 5, 10, 15, ou 25cm. Le remplissage (en silice, silice greffée ou particules polymériques) a une granulométrie de 3, 5, ou 10µm. Le diamètre interne d’une colonne est usuellement de 4 ou 4,6 mm. Si des substances pures doivent être collectées en fin de chromatogramme des colonnes de gros diamètre seront nécessaires.
Paramètres de colonne utilisée en HPLC de phase réverse
5.5. Détecteurs
Le détecteur suit en continu l’apparition des solutés. Pour détecter, on utilise différents phénomènes physico-chimiques. Le signal obtenu est enregistré en fonction du temps. Généralement, on compare le signal obtenu pour la phase mobile et le soluté à celui de la phase mobile seule.
Le détecteur le plus utilisé en CLHP est un spectrophotomètre d’absorption UV-visible (190-600 nm) relié à la sortie de colonne.
Il existe d’autres détecteurs :
- réfractomètre différentiel
- UV à barrette de diodes
- électrochimique
- fluorimétrique...
ainsi que différents types de couplage :
- Spectrométrie infrarouge
- Spectrométrie de masse
- Résonance Magnétique Nucléaire...
5.6. Intégrateur
La chromatographie est une méthode de séparation utilisée en vue d’un dosage. Il faut donc avant tout chercher à séparer correctement les pics avant de les intégrer. Une intégration consiste à mesurer la surface sous un pic.
La détection d’un pic chromatographique par l’intégrateur, dépend de 2 paramètres :
* la largeur attendue des pics
* le seuil d’intégration (sensibilité)
La largeur de pic est à peu près prévisible en fonctions de la technique d’analyse et des conditions opératoires. Elle détermine la fréquence d’échantillonnage du signal. Le pic est alors découpé en tranches. Le seuil d’intégration est la valeur du signal à partir de laquelle le calculateur repère un début de pic.
Pour en savoir plus : http://hplc.chem.shu.edu/HPLC/index.html